Les violences ont des conséquences désastreuses sur la santé, qu’elles soient physiques ou psychiques : peur, culpabilité, perte de l’estime de soi et d’autonomie, isolement, stress. Réel problème de santé publique, elles touchent en grande majorité les femmes. C’est pourquoi Santé Plurielle s’attache depuis bientôt 4 ans à mener des actions sous cet angle. À l'occasion du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences, il est important de rappeler qu’elles constituent un engrenage majeur des parcours de précarité des femmes accueillies en centres d’hébergement. C’est ce que souligne l’audit n°1 du projet “Un abri pour toutes”, publié le 25 octobre 2019 qui pose la question de l’exposition aux violences sexistes et sexuelles des femmes accueillies.
Le diagnostic, réalisé sous la direction de Louise MIRAGLIESE et avec la participation de Julie VELLA pour la tenue des entretiens, consistait en une enquête de terrain dans 3 CHU représentatifs de la réalité des publics accueillis : le CHU « Promesse de l’Aube » (Aurore), CHU Bastion de Bercy (Aurore) et CHU Ernest SAVART (la Main Tendue). Au final, 57 femmes et 20 professionnel.les ont participé à cette première phase par le biais de questionnaires et/ou d’entretiens individuels. La première partie de l’audit se consacre aux violences de genre, et souligne dans un premier temps que les femmes accueillies en centres d’hébergement constituent un public “non-recensé” qui échappe aux statistiques nationales de victimologie parmi d’autres publics (cités universitaires, prisons, personnes SDF, foyers de jeunes travailleurs etc.). Les femmes (seules, en couple ou en famille) représentent une part croissante de la population sans logement et précarisée accueillie dans les structures d’hébergement d’urgence : aujourd'hui, 40% des personnes hébergées sont des femmes.
Typologie des violences subies par les femmes accueillies dans des CHU mixtes :
L’expérience des violences est un facteur déterminant du départ du domicile pour la majorité des femmes interrogées (54%) et le déclencheur de leur parcours d’errance
À l’issue du questionnaire, 93% des femmes interrogées témoignent de différentes situations de violences qu’elles ont subies au cours de leur vie (avant et/ou pendant leur hébergement au CHU) : elles sont 32% supplémentaires à révéler au cours de l’entretien être ou avoir été victimes de violences à l’aide des questions permettant d’approfondir les différents contextes, relations et caractéristiques des violences de genre. Sur ces femmes reconnaissant avoir subi des violences, 17% déclarent avoir été victimes de violences depuis leur hébergement au CHU. Les faits ont pu être commis à l’extérieur ou au sein du CHU.
Parmi les femmes interrogées ayant déjà subi des violences, 55% en parlent pour la première fois de leur vie à l’occasion de cette enquête
70% des femmes interrogées déclarent avoir vécu 2 à 6 situations de violences au cours de leur vie
Alors que les professionnel.les identifient la prostitution comme une des problématiques majeures dans le parcours des femmes (60%), elle est en revanche peu mentionnée par les femmes elles-mêmes (6%). À l’inverse, les femmes révèlent des situations de violences politiques (15%) qui échappent totalement à l’analyse des professionnels (0%).
Des besoins exprimés vis-à-vis des CHU et des travailleur.es sociaux.les :
86% des femmes déclarent que les travailleur.ses sociaux.les ne leur ont jamais posé de question dans le cadre des entretiens pour savoir si elles avaient déjà subi ou si elles subissaient actuellement des violences. 50% des femmes imaginent pouvoir en parler aux travailleur.ses sociaux.les à condition qu’ils leur posent la question. Elles répondent spontanément « s’ils me demandent, j’en parlerai ».
82% des femmes interrogées jugent utile que les CHU développent des actions centrées sur la problématique des violences faites aux femmes
Un manque de formation structurel des professionnel.les sur la question des violences faites aux femmes :
Dans les 3 CHU participants, la majorité des professionnel.les (75%) n’a bénéficié d’aucune formation sur la problématique des violences faites aux femmes que ce soit au cours de leur formation initiale ou dans le cadre de la formation continue
75% d'entre eux déclarent que les violences subies par les femmes sont pour eux un sujet difficile à aborder. Plusieurs difficultés sont posées:
Poser des questions sur les violences est assimilée à l’intime et à la vie privée
D'autres problématiques sont à traiter dans l’urgence
La peur de « mal faire » face à un sujet considéré comme « sensible »
L’impression de manquer d’outil
La responsabilité du professionnel.le après les révélations
Un sujet qui provoque des résonances personnelles
Le temps d’instaurer une relation de confiance au préalable
À terme, “Un abri pour toutes” vise à mener l’expérimentation d’un projet pour la sécurisation du parcours des femmes dans les CHU mixtes afin de comprendre les problématiques existantes et faire émerger des bonnes pratiques et recommandations généralisables. Ce premier rapport permet de visibiliser l'ampleur des violences dans le parcours des femmes accueillies dans les centres d'hébergement, ainsi l'importance du rôle de l'équipe sociale dans l'émergence de la parole au cours de l'accompagnement.
Afin de préparer les futures actions de Santé Plurielle en 2021 sur les violences faites aux femmes accueillies dans vos structures, répondez à 5 de nos questions: